Forain des Mers

plus j'apprends, plus je me sens ignorant.... alors j'ai décidé d'aller encore plus vers les autres...

hivernage ici

kalamata Péloponèse

 
 

 heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage....(Joachim Du Bellay)

Deniz

La déroute de Pétrowaradein, la mort d’Ali Pasha ne mirent pas fin à la guerre, la troisième guerre contre l’Autriche et la Vénétie.,

l’armée ottomane une nouvelle fois défaite par les occidentaux, traverse les montagnes de Serbie en remontant la vallée du Danube afin de défendre les terres nouvellement conquises dans la province de Belgrade. C’est là- bas que la dépouille du seigneur ottoman sera inhumée, dans la foteresse byzantine .

Les janissaires battus gardent le port altier qui fait leur réputation depuis trois siècles. Plus de la moitié  a sacrifié leur vie pour satisfaire leur mentor, sans état d’âme, c’est leur destinée. Par compagnie ils marchent en ordre de marche, pressant le pas dans leur tenue, éclaboussée de sang, mais digne, sous les ordres de leur chef l’Agha Yıldırım le commandant en chef qui tient à porter en terre la dépouille du Pasha dans le bastion de Belgrade en personne.

Sous son commandement, les ottomans continuèrent à guerroyer contre les Occidentaux jusqu’à la prise de Belgrade par l’ennemi séculaire des turcs, le prince Eugène de Savoie, prince d’Autriche. On est loin de la puissante armée formée il y a quelques mois en Macédoine, riche de couleurs et forte de la puissance de ses différentes troupes.

Après Pétrowaradein, après Belgrade, la débâcle fut redoutable tout comme le fut l’avancée des troupes. On ne compte plus les villages incendiés, les villas pillées et les monastères chrétiens détruits, de rage. Les spahis, fantassins entraînés à la marche et au combat au corps à corps s’étirent en longs groupes n’ont qu’une idée en tête rentrer au pays. Les tatars eux veulent en finir avant de regagner les rives de la mer noire. Les cavaliers hongrois les accompagnent sur des chevaux harassés et affamés. Ils ne sont pas les seuls, les hommes aussi ont faim et il n’est pas rare que le soir on mange les cadavres des chevaux morts dans la journée d’épuisement.

Deniz, seul survivant de la garde rapproché, à la tête d’une compagnie de mille hommes, est chargé de ramener à la capitale le campement impérial, et le matériel personnel du grand vizir, du moins ce qu’il en reste. Il doit protéger, les ors impériaux de la convoitise des mercenaires déserteurs qui attendent avec impatience leur bourse. Battu, le mercenaire n’en reste pas moins un homme avide d’argent.

Il sait que dans la journée personne n’osera tenter quelque action crapuleuse et il lance sans arrêt des éclaireurs pour repérer et assurer les endroits stratégiques qu’il doit emprunter. Chaque soir il organise la halte, choisissant un hameau bien défendable. Et il a raison car les escarmouches seront nombreuses. Il y même quelques janissaires sans commandant qui tenteront le coup de lance contre leur collègues. Le chemin sera long car le convoi n’est pas manœuvrable.

Deniz entrera dans la cour du palais de Topkapi le 13 décembre. Haci Halil Pasha le nouveau vizir, accompagné de l'agha Bannis commandant en second des janissaires, et de la cour, reçoit des mains de Deniz les effets d’Ali Pasha que la famille récupèrera ensuite. Deniz sera remercié pour sa bravoure, et vu son âge, bénéficie d’une retraite et de terres dans les environs d’Istanbul. Plutard dans la soirée, s’en suit une conversation privée entre l’Agha Bannis et Deniz. L’Agha veut absolument savoir comment le protégé du Pasha a pu succomber en défendant son vizir. Alors Deniz, la gorge nouée d’émotions se met à raconter la bravoure de Cünjet, son engagement sans faille, depuis le complot déjoué jusqu’à l’attaque des autrichiens sur le campement impérial.

Deux mois se sont écoulés, deux mois pendant lesquels Deniz passe ses journées à l’organisation de sa retraite, à raconter les faits d’armes aux jeunes recrues dans les jardins de l’école des janissaires, à pleurer aussi certaines nuits la mort de son ami.

Il n’a pas eu le courage de faire le voyage d’Anatolie pour rencontrer les parents de Cünjet qu’il ne connait pas. Il a simplement écrit une longue lettre poignante où il décrit combien leur fils pensait à longueur de temps à eux. Il raconte aussi comment Cünjet s’était épris de cette jeune Laconienne lors de l’occupation de Iéraka.

L’échange de courrier avec, le père de Cünjet durera de longs mois et ce dernier insiste à chaque missive pour le recevoir. Il lui demande souvent comment était cette jeune femme dont son fils semblait si épris. Deniz promet de venir les voir dans l’année qui suit. Voilà bientôt plus d’un an qu’Istanbul a perdu pour la troisième fois la guerre contre l’Autriche et ses alliés occidentaux. Deniz ne sait que faire de son temps. Il n’a jamais été marié, il n’a pas de famille. La terre, il ne la connait pas, il ne connait que la discipline militaire, la vie de casernement. Alors il occupe ses journées à la formation des jeunes janissaires, et s’éloigne petit à petit du palais. Voilà dix-huit mois passés qu’il est rentré à Istanbul.

Le torbajchiq  qui tient désormais Monnemvasia vient rendre visite au palais ; Deniz écoute les nouvelles que le janissaire rapporte, l’interroge sur la situation à Iéraka. Le camp militaire de Cünjet a quitté la rivière pour prendre position au pied de la forteresse de Monnemvasia, et le village de pêcheurs a retrouvé sa vie paisible d’antan.

Ces paroles le culpabilisent car il sait qu’il doit tenir sa promesse et rencontrer Thalia. Alors, à la fin printemps de l’an d’après, Deniz profite d’une galiote qui fait route vers Nauplié pour embarquer pour la Laconie. Il tient sur lui le foulard taché de sang que Cünjet portait au cou lors de la bataille. C’est fin juillet que Deniz arrive par la route de Léonidio, couvert de poussière, tenant par la bride un cheval portant son matériel, un cheval aussi harassé par la chaleur que lui.

Iéraka est désert. Tous les habitants sont dans les maisons se gardant de la chaleur et des rayons ardents du soleil. Il pousse la porte de la taverna du quai où il avait pris l’habitude de se rend tous les soirs. Yorgo le patron se remet de sa surprise et l’accueille les bras ouverts. Bientôt les villageois accourent et Deniz pressé, sollicité raconte l’affreuse guerre, il raconte sans trop de détail le sort tragique de son ami. Il s’enquiert de Thalia. On lui dit qu’elle s’est sentie abandonnée et qu’elle vit désormais avec ses parents de l’autre côté de la lagune, dans une maison construite plus près des champs.

Le soir, presque à la nuit tombée, débarrassé des grecs qui le sollicitent de questions, il prend le chemin qui le conduira chez Thalia. La jeune femme aperçoit ce marcheur tenant son cheval à la main. Dans un premier temps elle a pensé à un voyageur qui viendrait demander le gîte pour la nuit. Mais très vite elle reconnaît la grande stature de Deniz et son cœur se met à battre…

 à suivre: le fils de Cünjet

 

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DOUCEUR DE VIVRE