Forain des Mers

plus j'apprends, plus je me sens ignorant.... alors j'ai décidé d'aller encore plus vers les autres...

hivernage ici

kalamata Péloponèse

 
 

 heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage....(Joachim Du Bellay)

Monnemvasia

Nous sommes fin avril 1715 et la galiote qui arrive d’Izmir annonce la nouvelle. L’opération est enfin décidée, lancée. Pour Cünjet ce n’est pas trop tôt, il commençait à sérieusement se languir malgré les douceurs de la nuit auprès de sa belle Thalia. Cünjet avait eu l’occasion de se rendre en décembre à Istanbul à l’audience de Damat Ali Pasha, un véritable conseil de guerre tenu pour communiquer les dernières stratégies de reconquête de la Morée et chasser les occidentaux hors de la péninsule balkanique.

L’armée d’Orient d’abord attaquera par la mer sur toute la côte Est du Péloponnèse, et simultanément par la terre. Il est prévu de prendre les forteresses de Nauplie la porte de l’Argolide et de l’Eritrée et au sud, la presqu’île-forteresse de Monnemvasia qui contrôle la route maritime menant à Méthon ainsi que la route terrestre qui conduit à Sparti et Kalamata.  Cünjet sait bien que l’effet de surprise sera impossible car déplacer une telle armée ne peut longtemps se dissimuler.

Sans attendre le jeune capitaine envoie une partie de ses troupes à Plaka près de Léonidio interdire l’accès au nord, au pied des grandes falaises ocre qui forment un défilé infranchissable. Il sait qu’il doit tenir jusqu’à l’arrivée des bateaux de l’Empire actuellement fortement occupé à conquérir Nauplie.

Pendant plus d’un mois il doit rassurer les capitaines vénitiens confortablement installés dans leur résidence sur le rocher, les tromper de ses balivernes, leur faisant croire que plus aucun bateau n’arrive parce que les pirates les arraisonnent en plaine-mer. En fait deux de ses galiotes attaquent et coulent systématiquement tous les navires qui s’approchent du rocher, même les pêcheurs sont interdits de prendre la mer… Il a conscience que la supercherie ne pourra durer.

A Iéraka les navires sont de nouveau armés, les charrettes des paysans réquisitionnées sont chargés de canons légers et de matériel de guerre, celui-là même qui pendant l’année précédente a été accumulé, voyage après voyage, toute la logistique utile à la reconquête de la Morée.

Toutes ces activités accroissent l’inquiétude des paysans qui sont tancés de ne pas sortir du village, de coopérer avec les ottomans. Le ton s’est durci, fini les relations bon enfant mais Cünjet qui a réuni des villageois sur la place à l’entrée du port leur tient un discours rassurant, les turcs chasseront l’envahisseur vénitien et il promet qu’avec eux les richesses de la Malvoisie reviendront à leurs propriétaires. A moitié convaincus, craignant qu’un énième conflit n’entraine que désolation et mort, ils rentrent dans les chaumières pour beaucoup abattus, sachant qu’il leur faut coopérer afin de ne pas craindre pour leur vie. Thiala est effondrée elle ne pensait pas qu’un jour la chose puisse devenir si terrible. Elle éprise d’un ottoman, comme toutes celles qui depuis ont noué des relations intimes angoisse pour l’avenir. Cünjet sûr de la victoire lui promet un avenir radieux.

Le 20 mai, les nouvelles qui arrivent de Nauplie ne sont pas rassurantes, les ottomans peinent à prendre la capitale et l’immense château fort qui surplombe de ses 1200 degrés la plaine et les marais. Il attend impatiemment les forces d’Istanbul, d’autant que les vénitiens ne le croient plus. Après trois semaines sans contact avec l’extérieur ils se posent de réelles questions sur les agissements des turcs. Aussi envoient-ils une escouade militaire vers Iéraka. Arrêtée avant la lagune, la rencontre avec les janissaires emmenés par Déniz tourne inévitablement à la confrontation. Ne voyant pas rentrer les soldats italiens, le commandant de la place alerté sans plus de détails de ce qui se fomente chez là-bas envoie cette fois-ci un bataillon de mousquets au risque de dégarnir les poternes de la forteresse.

Cinq lieues bordant la mer séparent les deux villages et à mi-chemin, au détour d’un promontoire ils aperçoivent en ce petit matin la mer couverte de bateaux bannières au vent. A en perdre le souffle les fantassins transalpins courent, rebroussent chemin rejoindre leur ville, les cors sonnent de partout pour donner l’alerte. Poursuivis par une cinquantaine de janissaires c’est à peine s’ils ont le temps de franchir la porte fortifiée. Les trainards sont abattus, l’accès à la rampe de la cité prise sans combat. Deniz n’ira pas plus loin, il n’en a pas l’ordre et d’ailleurs se sent incapable avec cette poignée de guerriers si valeureux qu’ils soient, de prendre la forteresse. Il faut attendre là !

L’aube était à peine levée lorsque Cünjet averti par les guetteurs se précipite en haut de la falaise où un poste de guet a été installé. C’est vrai, la mer est comme recouverte d’un tapis de navires, tous à la rame car en ce matin il n’y a pas de vent, pas de mer. La moitié des 58 vaisseaux, des 16 frégates, tartanes, galiotes et polacres, lourds bateaux de transport, des 30 galères de l’armada ottomane qui ont affronté victorieusement les vénitiens dans la baie de Nauplie sont maintenant là à une journée du rocher. L’escadre vénitienne déployée sur le Péloponnèse de 19 navires et 15 galères à Nauplie, fut rapidement défaite, il ne reste dans la région qu’une galéasse à Monnemvasia qui prend de suite la mer, et trois Galions à Kalamata.

En fait la reconquête des territoires de Morée par les turcs, vengeance personnelle de Damat Ali Pasha va être rapide, moins de six mois. Outre la flotte orientale c’est une armée de plus de 100 000 hommes qui déferle en Grèce par la terre. Cünjet lance alors la totalité de son bataillon sur la route de Monnemvasia, les armes les canons légers sont chargés sur des charrettes et quatre heures plutard le voici rejoignant son adjoint Deniz sur la route de la presqu’île que ce dernier défend depuis le matin.

Il n’est pas facile de s’approcher à moins d’un jet de canon à pierrailles et les archers italiens lâchent des volées de flèches. Il lui faut mettre la pression jusqu’à l’arrivée des galiotes et des 3600 hommes, janissaires et spahis. Plus il gagnera de terrain, plus il parviendra à créer des brèches dans le système de défense du rocher plus il sera reconnu comme un valeureux guerrier dévoué à son grand vizir.

La forteresse est construite au sommet du rocher, à certaines époques plus de 6000 âmes purent y vivre. Ce château de l’époque médiévale reconstruit par Guillaume II de Villeharduoin n’a guère de murailles, en effet les grandes falaises hautes de plus d’une dizaine de mètres en font des défenses naturelles infranchissables. Il faudra prendre les trois poternes fortifiées qui en sont les accès. Mais en bas, le village où s’abritent les paysans et les commerçants, le petit port sans fond pour les pêcheurs sont seulement abrités par des remparts de pierre, peu défendus en cette époque.

Cünjet veut absolument se rendre maître de l’endroit, avant que le gros de la troupe ottomane ne déferle. Il a passé des mois cartographier à chaque ruelle, inventorier chaque point fort et chaque point faible du mur. Il use alors d’une tactique qui le rendra maître des lieux. Il concentre le gros de ses troupes devant la porte principale, harcelant les défenseurs, tandis qu’a la tête d’un véritable commando envoyé à la nage par la mer il parvient à pénétrer par la petite porte du port de pêche côté sud. Trente hommes suffisent pour prendre à revers les défenseurs de l’entrée principale, à l’ouvrir.

Sans grandes pertes humaines, les ottomans qui connaissent bien le village, se répartissent dans celui-ci, confisquent les réserves de nourriture, déchargent tout l’armement reçu en catimini cet hiver, bref installe la logistique nécessaire à l’armée qui vers 20 heures débarque des bateaux ancrés devant la plage nord. Il n’en fera pas plus. Et voici Dogan le ‘mouzhir-agha’, son chef qui débarque, le félicite pour son action.

Cünjet alors avec ses janissaires s’en retourne à Iéraka laissant des milliers d’hommes se concentrer au pied des remparts. Le siège durera plus d’un mois car la résistance italienne est bien trop faible, rien à voir avec le siège du Franc en 1248 qui dura 3 ans, la famine et les maladies ayant eu raison des occupants qui à l’époque étaient … les ottomans.

Thalia respire, Thalia est soulagée de voir son amoureux revenir du combat. A lui d’organiser la sureté des routes le temps de la pacification. Cünjet fera régner sur Iéraka une discipline à toute épreuve, protégeant comme il l’avait promis les habitants de toutes les velléités d’exactions guerrières.

Fin juillet Cünjet reçoit l’ordre de s’embarquer pour Istanbul, rappelée par le grand vizir en personne. Les adieux sont émouvants Thalia suivant longtemps des yeux la galère rapide qui emmène son amoureux. Elle croit aux promesses de retour qu’elle a bu de sa bouche….

à suivre: Cünejt ‘ tchorbadji’ de la garde du sultan

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DOUCEUR DE VIVRE